Depuis son arrestation le 29 août 2018 à son domicile sise à Ouaga 2000, Safiatou LOPEZ est toujours détenue à la MACO. C’est la première fois qu’un journal de la place (le courrier confidentiel), vient de publier un article donnant des pistes d’informations sur l’enquête qui s’est soldé par l’arrestation de la présidente du CCNOS pour « complot »
Il fallait faire vite, très vite! Les informations captées par les services de renseignements indiquaient, « clairement », qu’une opération de « déstabilisation » devait avoir lieu le 30 août. Il était même question d’un « appui extérieur », indique une source bien au parfum de l’affaire. Mais on ne savait pas exactement comment se supposé « appui extérieur »devait se déployer. Ni sa nature. Des « indices concordants » fessaient cependant état d’un plan d’infiltration du service carcérale de la maison d’arrêt et de correction des armés (MACA). Et à ce qu’on dit, les Généraux Gilbert Diendéré et Djibril Bassolé devaient être libérés et placés « en lieu sûr ». précisément « au quatre zone du bois, à Ouagadougou », confie-t-on dans le cercle des enquêteurs. Et ce n’est pas tout. Sur les fiches des services de renseignement, il y avait une autre alerte rouge : des militaires, acquis à la cause, devaient destituer le président kaboré et proclamer une période transitoire. L’heure était donc grave ! Les forces de sécurité ont donc décidé de prendre les devants. Le 29 août, la veille de la journée supposée fatidique, l’Unités spéciale d’intervention de la gendarmerie nationale (USIGN) passe à l’action. Le Sergent-Chef Abdoul Sanou de la justice militaire, en service de la MACA, et le technicien de BTP, Mamadou Drabo, présenté comme un « bras droit » de Safiatou Lopez et de Général Diendéré sont interpellés. Peu après voici les gendarmes qui se dirigent vers le domicile de Lopez… Et là, ils vont ouvrir une autre page de ce dossier brûlant.
Les événements se sont accélérés le 29 août. L’un des acteurs présumés de cette affaire, Mamadou Drabo, qui serait, selon les premiers éléments de l’enquête, celui qui était chargé de « recruter les gens » pour l’opération, a rendez-vous avec un soldat à Palace hôtel, à Ouaga 2000. Mais à la dernière minute, il change de décision. La rencontre aura plutôt lieu dans le quartier Cissin, à quelques encablures de la station Pétrofa. Il devance son interlocuteur sur le lieu. Et se met un peu à distance pour le voir venir. Il s’est probablement dit que cela lui permettrait d’éviter toute surprise désagréable. Et il n’avait pas si tort. Très vite, il se rend compte qu’il y’a quelque chose de suspect. Le soldat, qui devait arriver seul, semble être avec une autre personne. Drabo, sentant venir le danger, décide de ne pas rester à cet endroit. Il démarre, passe devant la maison de la culture Jean-Pierre Guingané, et se dirige vers la cité communément appelée « 75e anniversaire ». Le soldat, qui l’a aperçu au moment où il partait, décide de le suivre. Et c’est finalement ver le nouveau siège de la radio savane FM, dans l’arrondissement 6, qu’il le rattrape. Mais celui qui semblait accompagné le soldat s’est apparemment « volatilisé ». Le présumé recruteur jette un coup d’œil furtif mais ne l’aperçoit pas. Il engage alors un entretien avec son interlocuteur qui serait l’un des gardes de la MACA. Les deux hommes avaient déjà pris langue lors de certaines visites de Mamadou Drabo dans cette prison militaire. Selon les sources proches de l’enquête, Drabo s’y est plusieurs fois rendu pour voir un militaire de l’ex régiment de sécurité présidentielle (RSP), l’adjudant-chef Moussa Nébié dit « Rambo », détenu dans le cadre d’une autre affaire, celle du coup d’Etat de septembre 2015. Et à ce qu’on dit, Mamadou Drabo aurait tenté d’attirer certains éléments du service carcéral de la MACA dans le projet. Cette présumée infiltration devait permettre de faciliter la libération de prisonniers. Les premiers éléments de l’enquête indiquent qu’il promettait à ses interlocuteurs cinquante million de francs CFA pour chacun, dont une avance de 25 millions. Le reste devant être réglé à la fin de l’opération.
Mais le plan en construction n’a pas vraiment fonctionné. L’information est finalement parvenue à l’ANR qui décide d’infiltrer le groupe. Des soldats de la MACA sont ainsi mis à contribution. Histoire de « faire le jeu » du présumé recruteur afin de découvrir son éventuel projet et de démasquer un probable « réseau » de personnes impliquées dans cette affaire. Après quelques investigations, les services de renseignements rassemblent un faisceau d’indices. Ils découvrent alors que « quelque chose de grave » se préparait pour le 30 août.
La rencontre entre le nommé Drabo et son interlocuteur crée un nouveau déclic. Selon les premiers éléments de l’enquête, le soldat aurait réclamé l’avance de 25 millions de francs CFA. Et le technicien en BTP de le « rassurer » que « le nécessaire » serait fait. Et comme s’il tenait absolument à montrer sa bonne foi, il compose un numéro et met en marche le haut-parleur de son téléphone. On entend alors la voix d’une dame. Le présumé recruteur lui affirme que « les amis » (ceux qui entendent participer au projet) réclament la moitié des fonds prévus. Sans tarder, la « dame » au bout du fil le rassure qu’elle est en train de réunir le montant nécessaire. Etait-ce la voix de Safiatou Lopez ? Rien, au stade actuel de l’enquête, ne permet de répondre par l’affirmative. Mais les téléphones portables des présumés protagonistes, saisis et mis sous scellés, pourraient livrer leur part de vérité. Ils devront être soumis à expertise à la demande du juge. De même que les caméras de surveillance installées au domicile de Safiatou Lopez. Le disque dur de ces caméras, également sous scellés, sera examiné par un expert.
Selon des sources proches de l’enquête, c’est le truchement de Mamadou Drabo que l’ANR a orienté ses « radars » vers Safiatou Lopez. Au moment où il était en entretien avec le soldat, trois autres personnes, qui étaient dans les environs, se présentent. Des soldats qui avaient donné leur Ok dans le but d’aider l’ANR à mener ses investigations. Voici donc de l’étau qui resserre autour de Mamadou Drabo. On lui intime l’ordre d’indiquer le domicile de la dame qu’il venait d’appeler, supposé être le bras financier de l’opération. Le présumé recruteur n’a plus le choix. Les voici, lui et les quatre autres personnes, en direction du quartier Ouga 2000. Et là, surprise ! Il point du doit le domicile de Safiatou Lopez/Zongo, présidente du cadre de concertation des organisations de la société civile. Mais pour le moment, elle ne sera pas interpellée. L’ANR procède à une nouvelle analyse des faits. Drabo, lui, maintient que c’est bien le domicile de « la dame » à qui il avait parlé au téléphone à propos de l’avance. L’ANR saisit alors l’Unité spéciale d’intervention de la gendarmerie nationale. L’alerte transmise fait état d’un plan de déstabilisation du pays. Le sujet est « crucial », indique une source sécuritaire. Car, entre-temps, une « information capitale » est tombée dans les grandes oreilles de la Nationale du renseignement. Un probable appui extérieur pourrait se confirmer. Et là, ce serait peut-être trop tard. Pour éviter de se faire surprendre, l’ANR décide de se passer à l’offensive. La décision d’interpeller les acteurs présumés de cette affaire ainsi actée.
Dans l’après-midi du 29 août, des gendarmes se déploient, discrètement, à Gounghin, un quartier de Ouagadougou. Ils sont à la recherche de deux personnes. Et ils ne tarderont pas à mettre le grappin sur elles. Les suspects, le sergent-chef Abdou Sana, et le présumé recruteur, Mamadou Drabo, sont en train de deviser dans un kiosque à café, non loin de l’échangeur de l’Ouest. Les deux hommes sont ainsi « cueillis » par les gendarmes. Sans trop de bruit. Ils sont conduits dans le « QG » de la gendarmerie. Là, ils seront soumis à un interrogatoire pendant plusieurs heures. Et c’est finalement vers 3h du matin qu’ils ont été déposés à la MACA. Dans l’après-midi du 29 août, Safiatou Lopez, l’une des figures de proue de la société civile, est, elle aussi, interpellée. Mais de façon plutôt musclée. La police judiciaire de la gendarmerie, sur instruction du Procureur du Faso, se déploie, lourdement armée, autour de son domicile. Elle sera, par la suite, soumise à audition, avant d’être conduite à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO). Elle nie catégoriquement les faits qui lui sont reprochés.
Selon les premières informations, la « libération de prisonniers » devait suivre un schéma précis : « Recruter quatre éléments de garde à la MACA, profité de l’heure de la relève entre les équipes pour ouvrir les cellules, neutraliser sans coup de feu les autres gardes et faire sortir les prisonniers ». Mais l’un des soldats en aurait parlé à son supérieur. Et la suite, l’ANR est entrée en jeu. Le sergent-chef Abdou Sanou aurait reconnu, lors de son audition, s’être rendu deux fois au domicile de Safiatou Lopez. Du fait, dit-il, de la sympathie qu’il a pour ce personnage de la société civile et non pour un complot. Il aurait également reconnu avoir reçu, lors de ces visites, environ cinquante mille francs CFA. Et lorsqu’on lui brandit des informations tendant à dire qu’il a déjà empoché, de la part de Lopez, près de trois millions de francs, il rejette en bloc ces faits.
Mais selon le faisceau d’indices rassemblé par l’ANR, il était prévu, semble-t-il, d’aller au-delà de la libération des prisonniers. Et de « redresser le pays ». Pour cela, il fallait, dit-on, destituer l’actuel président du Faso et instaurer une période de Transition qui serait conduite par jeune officier. Mais, à l’heure actuelle, aucun nom ne s’affiche concernant celui qui conduirait la Transition. D’ailleurs, à ce sujet, Safiatou Lopez affirme, dans une note adressée à ses « camarades, amis et famille » qu’elle a appris, le 1er septembre, de la part des OPJ, « qu’un certain Drabo Mamadou » aurait affirmé qu’elle « voulait faire tomber le président du Faso pour installer un militaire au pouvoir ». Mais, dans sa note, elle n’apporte aucune autre précision susceptible d’identifier le président de la probable Transition. Elle semble visiblement surprise par ces accusations. Face aux OPJ, elle a nié catégoriquement les faits, indique une source proche de l’enquête.
Il nous revient que le nommé Drabo affirmait à ses interlocuteurs, notamment des gardes de la MACA qui se sont finalement rangés du côté de l’ANR, que la Transition en question devrait durer cinq ans. Histoire de mettre, dit-on, le pays véritablement en marche. Mais finalement, le plan présumé de déstabilisation a échoué. Et du coup, de nombreuses interrogations surgissent. Le juge, chargé du dossier, va tenter de reconstituer le puzzle. Afin de comprendre les tenants et les aboutissants de cette affaire.
Lopez, Sanou et Drabo ont été inculpés.
Source le journal le courrier confidentiel